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Un projet photovoltaïque industriel
initié par des agriculteurs

A la suite de la perte en 2019 du classement en zone défavorisée des terres de la Piège, nombre d’agriculteurs se sont trouvés en difficulté et ont cherché à trouver un complément de revenu. L’agrivoltaïsme est alors apparu comme la solution et certains se sont donc regroupés pour proposer un projet d’envergure à Belpech et ses alentours. Le promoteur retenu pour porter le projet est Total Energie.

Ce projet porte sur environ 172 hectares de terres agricoles à équiper de panneaux photovoltaïques au sol. Deux types de panneaux seraient utilisés ; certains orientés vers le sud pour une production pic à mi-journée, et d’autres, verticaux et orientés est-ouest pour une production pic le matin et le soir.

 

Ce dispositif permettrait de lisser la production sur l’ensemble d’une journée pour un total de 100 000 MWh produits annuellement, et rapporterait entre 2 000 et 4 000 € par hectare aux propriétaires des terres louées à Total. Les enjeux financiers sont donc à la fois évidents et colossaux.

Visualisez la carte des différents projets à l'étude

Un patrimoine agricole précieux

La création de tels espaces industriels en pleine zone agricole conduit à un changement total d’usage des terres et à la disparition de la production céréalière. Outre l’écologie, l’argument avancé par les tenants du projet est le choix des terres aux rendements les plus faibles pour maintenir la production agricole sur les meilleures terres ; cet argument ne tient que dans une logique productiviste d’après guerre mais ne saurait être recevable aujourd’hui dans un contexte de crise politique et alimentaire. En effet, même avec des rendements de 40 quintaux de blé par hectare lorsque la moyenne se situe à 70 ou 80 quintaux, ce sont au bout du compte les 700 tonnes non produites sur ces 172 hectares et donc non disponibles pour l’alimentation qu’il faut considérer.

 

Rappelons encore qu’il est contraire au code de l’urbanisme (article L151-11) d’autoriser globalement les centrales au sol en zone agricole ou en zone naturelle des plan locaux d’urbanisme. C’est ainsi qu’une autorisation ne peut être donnée pour la construction d’installations nécessaires à des équipements collectifs que si elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière et si elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages.

Et c’est ici que nous nous trouvons face à une situation où, toutes les interprétations sont possibles. Remplacer une production céréalière par une production marginale de plantes aromatiques sous les panneaux peut-il être qualifié de « maintien d’une activité agricole » ? Le fait de faire paître quelques moutons ou de disposer quelques ruches suffit-il à démontrer le maintien d’une activité agricole ? Et que dire des multiples exemples en France où malgré les promesses, rien n’est plus produit sur les terres accueillant les panneaux ? Laisser s’implanter aujourd’hui une telle surface de panneaux photovoltaïques en contradiction totale avec les bonnes intentions affichées de la communauté de communes Piège Lauragais Malepère ou du Ministère de la Transition Ecologique, c’est aussi s’exposer à la multiplication de ce type de projets. Ne laissons pas se créer de précédent ouvrant la voie à d’autres projets encore plus gros.

Les difficultés des agriculteurs sont bien réelles, et ils devraient pouvoir vivre dignement de leur travail.

 

Mais le fait est qu’ils vivent autant des dispositifs d’aide français et européen que de la vente des fruits de leur travail. Conscients de l’importance de cette problématique, nous pensons néanmoins qu’elle doit être traitée à sa source et par les autorités en charge, mais ne doivent en aucun cas justifier le sacrifice d’un outil de travail hérité des générations passées et nourrissant les hommes. Le « grenier à blé de l’Occitanie » est plus que jamais un bien précieux dont il faut prendre le plus grand soin.
 

Notons enfin qu’y compris parmi les agriculteurs, certains syndicats expriment leurs doutes quant au bien-fondé des projets dits « d’Agrivoltaïsme ». La FNSEA, Chambre d’agriculture France et EDF enfin, ont récemment signé une charte encadrant le développement des projets photovoltaïques au sol. Celle-ci précise « Nous serons très attentifs à ce que cette diversification des revenus des agriculteurs n’empiète pas sur la production alimentaire. »

La transition énergétique à marche forcée ?

Fin 2020, l’Union Européenne s’est engagée à réduire ses émissions de CO2 de 55% par rapport à 1990 d’ici à 2030. Au-delà des seuls objectifs européens, il est certain que la décarbonation est une urgence mondiale qui doit permettre de limiter le réchauffement climatique et ses conséquences.

Une nouvelle directive a été adoptée le 7 décembre 2023 pour solariser les toits des bâtiments à partir de 2027. Par ailleurs, non seulement la France peut produire une grande quantité d’électricité, mais ses équipements de production génèrent déjà aujourd’hui en moyenne près de 6 à 8 fois moins de CO2 par KWh produit que l’Allemagne. Seules la Suède et la Norvège ont des performances équivalentes voire meilleures mais avec des volumes de production bien  inférieurs. Ce positionnement est en grande partie dû à la part importante du nucléaire en France, avec la problématique de gestion des déchets qui va avec. Il convient cependant de nuancer le discours que l’on tient sur le nucléaire. Par exemple si l’Allemagne dispose d’une puissance installée renouvelable bien supérieure à celle de la France, l’aspect intermittent des énergies renouvelables y implique la nécessité d’une production flexible mais sale (à base d’énergies fossiles en Allemagne) pouvant compenser les phases de faible production des énergies renouvelables. En France, c’est le nucléaire très faible producteur de CO2, qui assure cette production. La sortie du nucléaire, si elle doit rester un objectif, ne saurait donc être conduite sans être raisonnée si on la veut compatible avec nos objectifs climatiques. Le GIEC lui-même estime ainsi que la transition énergétique, réalisée de façon raisonnée, prendra plus de 30 ans.

Nous devons alors souligner la responsabilité qu’endossent les porteurs de tels projets vis-à-vis des citoyens. En effet, devons-nous confier la production énergétique à des acteurs privés tels que Total Energie ? Si ce type de projet leur permet de redorer leur image de producteur historique de produits pétroliers, il ne faut pas oublier que l’objectif premier de toute société privée est de faire du profit. Et les grand gagnants des projets tels que celui de la Piège ne seront pas les agriculteurs qui possèdent la terre mais le promoteur exploitant. Rappelons que le prix du MWh a récemment explosé jusqu’à atteindre à la fin de l’été 2022 plus de 1 000€ sur le marché spot. Même si le MWh n’est vendu demain qu’à la moitié de ce tarif, les revenus annuels s’élèveraient à 50 millions d’euros pour l’ensemble du projet. Quant au prix d’achat pour les consommateurs, serait-il tiré vers le bas ? Rien n’est moins sûr…

Pour une transition éthique, nous devons avoir conscience des conséquences qu’auront demain les choix faits aujourd’hui.

 

En effet, implanter de grandes surfaces de panneaux au sol conduit non seulement à la suppression de surfaces agricoles mais a aussi un impact direct sur les territoires et leurs patrimoines, qu’il s’agisse du patrimoine agricole, environnemental et faunistique, paysager et touristique. Faut-il donc accepter de sacrifier autant sans prendre acte que l’atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie pour 2019-2023 est jugée possible dans le rapport de l’ADEME et via l’exploitation des surfaces de toiture et des friches industrielles. Et d’autres gisements existent tels que les 30 000 zones d’activité objet d’un travail du Cerema. N’oublions pas enfin que l’énergie la plus propre est celle qui n’est pas consommée. Des leviers existent aussi ici pour infléchir la courbe des émissions par une consommation raisonnée.

Des effets à long terme sur la faune et la flore

Les terres identifiées par les agriculteurs initiateurs du projet sont en grande partie situées en zone classée zone de protection spéciale Natura 2000 numéro FR9112010. Il s’agit du niveau de protection Natura 2000 le plus élevé, celui-ci découlant du caractère exceptionnel de ce territoire pour la préservation des oiseaux, notamment des rapaces.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’inventaire National du Patrimoine Naturel précise sur la page web consacrée à cette zone classée que « Le paysage marqué par des reliefs de collines peu élevées, les influences océaniques du climat et la diversité des pratiques agricoles qui s'exercent sur ce territoire constituent autant de facteurs propices à la diversité de l'avifaune. Le site a également une position de transition entre la Montagne noire et les premiers contreforts pyrénéens et on y voit donc régulièrement des espèces à grand domaine vital soit en chasse, soit à la recherche de sites de nidification : le Vautour fauve, l'Aigle royal, le Faucon pèlerin sont ainsi plus ou moins régulièrement observés sur le territoire concerné. » Il est en outre souligné que « Les pratiques agricoles actuelles maintiennent une diversité de milieux favorable à priori à l'avifaune. Toutefois, l'évolution de ces pratiques dans un contexte économique incertain est un facteur clé du maintien de la qualité des habitats des oiseaux. »

 

Rappelons que la zone abrite un nombre important d’espèces dont certaines classées quasi menacées, dont le busard Jean Le Blanc ou encore le Milan Royal. Alors comment croire que le remplacement de 172 hectares de terres agricoles remplacées par des surfaces artificielles permettront au milan royal de continuer à vivre et se nourrir dans les environs ? Est-il réellement sérieux et écologiquement responsable d’artificialiser les sols dans les zones où les enjeux de préservation de la biodiversité sont au niveau de sensibilité maximum ? Enfin, au-delà de la faune aviaire, le fait de clôturer les surfaces aujourd’hui agricoles qui accueilleraient les panneaux impliquerait une réduction de l’habitat de nombre d’espèces et rendrait par ailleurs leur circulation impossible sur ces terres.

impact sur la faune et la flore

Un patrimoine paysager et touristique à défendre

L’Aude est un département aux multiples atouts touristiques offrant outre une large gamme de sites historiques, des paysages variés allant des lagunes du littoral aux montagnes du pays de Sault et aux collines du Lauragais.

 

La Piège, entre Canal du Midi et Hers Vif, fait également partie de ce patrimoine avec ses collines aux allures de Toscane. Comme le mentionne le site web de la mairie de Belpech, idéalement située entre Castelnaudary, Carcassonne, Pamiers et Foix, « Belpech séduit par la beauté de ses paysages et par sa qualité de vie ». La communauté de communes Piège Lauragais Malepère met quant-à elle en avant des paysages préservés : « Ici, pas de moteurs ronflants et de bouchons ; EXIT les klaxons intempestifs et tapageurs ! Respirez, vous êtes au coeur des Colines Cathares. »

 

Les habitants de la Piège et ses visiteurs, tout comme ceux de toute région à fort héritage historique et paysager, tiennent à leur qualité de vie et à leur patrimoine. Un proverbe indien bien connu dit que « Lorsque l'homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d'eau, tué le dernier  animal et pêché le  dernier  poisson, alors il se rendra  compte que l'argent n'est pas comestible. » Méditons-le. Car si la transition énergétique est une nécessité, souhaitons que nous ayons  l’intelligence de la mener de façon que nous puissions encore vanter dans dix ans nos paysages préservés. Or les outils existent déjà pour cela. Parmi les documents publics, citons notamment les recommandation pour une meilleure prise en compte du paysage dans les projets photovoltaïques, document édité par la préfecture de l’Aude (DDTM) en 2014. Il est précisé par M. Le préfet que les paysages audois « constituent en effet un véritable atout pour le département en contribuant largement à la qualité de vie de ses habitants, ainsi qu'à son attractivité touristique ». Mieux, il est précisé dans ces recommandations que « Les parcelles pressenties pour accueillir les projets de parcs photovoltaïques, doivent faire l'objet d'un travail itératif d'évaluation paysagère, agricole et environnementale, afin de valider la concordance et la pertinence du secteur retenu, par rapport aux enjeux locaux. »

 

Nous pourrions donc être rassurés sur le risque d’implantation de panneaux au sol en crête de relief ou à proximité des lieux d’habitation. C’est pourtant ce qui est aujourd’hui prévu dans le projet en cours à Belpech. Nous demandons donc que ces implantations fassent l’objet d’une recherche d’alternatives.

Association Quels Paysages Pour La Piège ?

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